Mécénat d’entreprise et art : une liaison dangereuse ?
Depuis le début de la crise, les fonds alloués par l’État au soutien de la culture ne cessent de chuter, comme le signale cet article de Huffingtonpost. Le rôle historique joué par les pouvoirs publics dans l’assistance à la création artistique est délaissé au profit d’un mécénat privé, exercé sous le couvert d’une entreprise. Ce type de financement aide-t-elle réellement les artistes ? Quelles peuvent être les raisons qui motivent les entreprises à accompagner les facilitateurs de rêve ? Éléments de réponses.
Le mécénat a toujours été une action des pouvoirs publics
Pour peu que l’on remonte dans l’histoire de la France, on remarque que c’est au siècle de Louis XIV que le mécénat d’État a connu ses lettres de noblesse, et pour cause, le roi soleil a été un grand mécène. À l’époque, pour pouvoir s’adonner à leur art sans se soucier du vécu quotidien, les écrivains et les artistes en général recevaient une pension annuelle du roi. Cela les mettait à l’abri du besoin et leur permettait de se consacrer tout entier à la production de belles œuvres. Les pages de La Fontaine n’auraient pas pu sortir du néant, si le fabuliste assumait sérieusement sa charge de contrôleur des eaux et forêts pour satisfaire ses besoins.
De la même manière, il est peu probable que la littérature française se fût embellie des chefs d’œuvre comme Andromaque et Phèdre, si Jean Racine s’était contenté de travailler comme tout le monde pour vivre. On mesure encore toute l’importance du financement public de l’art pendant qu’André Malraux était ministre de la Culture. D’ailleurs, c’est grâce à cet écrivain et homme de culture exceptionnel que les acquis actuellement ébranlés par la morosité économique ont été définitivement consolidés. Mais les entreprises sont-elles en mesure de se substituer valablement aux pouvoirs publics ?
L’apport non négligeable du mécénat d’entreprise à l’art
À en croire une enquête réalisée par l’institut CSA sur le mécénat d’entreprise en France en 2014, les sommes dégagées par les entreprises, toutes catégories confondues, pour des actions de mécénat s’élèvent à 3,5 milliards d’euro. Et ce montant est en baisse de 6 % par rapport à 2012. La part revenue à l’art est de 364 millions d’euros. C’est bien peu en comparaison avec le soutien de l’État, mais il faut considérer que c’est un effort non négligeable qui doit être encouragé.
En effet, comme le stipule la disposition réglementaire qui définit le mécénat, soutenir un artiste dans l’exercice dans la mise en œuvre de son art, c’est faire une œuvre d’intérêt public. Une œuvre d’art ne représente pas un objet utile au sens le plus bas du mot, mais elle a une grande valeur immatérielle incommensurable. Par exemple, un tableau de Picasso n’a aucun intérêt économique en soi. Mais lorsqu’on situe une telle œuvre d’art dans son contexte historique et idéologique, on se rend compte de sa valeur inestimable.
À défaut de continuer à être aux côtés des artistes, l’État encourage les entreprises qui investissent dans le mécénat.
Mécénat d’entreprise et art : des mesures incitatives existent
L’accompagnement phare reste la déduction fiscale que gagne une entreprise lorsqu’elle injecte des fonds dans le mécénat. Cette mesure incitative ne va pas seulement au profit des entreprises qui choisissent de soutenir des artistes, mais toutes celles qui œuvrent pour la santé, l’environnement et même le sport. Votre entreprise peut ainsi déduire 60 % du montant donné de votre impôt d’entreprise, selon les dispositions de la loi Ailagon promulguée en 2003.
Cependant, cette forme d’incitation financière n’est pas toujours la motivation principale des chefs d’entreprise mécènes. Le seul intérêt que le patron d’une structure a pour un art suffit souvent pour le pousser à porter assistance aux pratiquants de cet art. C’est ce qui explique pourquoi certains mécènes renoncent aux avantages fiscaux qui leur sont concédés.
Soutenir la création et les manifestations artistiques dans le cadre d’un mécénat d’entreprise est une bonne action. Vous contribuez ainsi au développement du patrimoine immatériel national, tout en profitant des avantages fiscaux que de telles actions offrent.