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L’hypocondrie ou le syndrome du malade imaginaire

L’hypocondrie prête toujours à sourire parce qu’elle rappelle le Malade imaginaire de Molière. Mais cette peur perpétuelle de la maladie, cette angoisse qui ne disparaît pas malgré les avis médicaux, cette tendance s’approprier les symptômes des affections les plus diverses, est un trouble qu’il faut prendre au sérieux. Parce qu’il cache une vraie souffrance.

Mourir ? Plutôt crever !

Sommes-nous tous des Argan en puissance ? Le personnage de malade imaginaire inventé par Molière nous fait encore rire, mais ses avatars réels sont de plus en plus nombreux. La faute à un monde toujours plus stressant, plus fatigant, plus oppressant. La faute à des modes de vie qui favorisent les attaques de panique et les craintes de la maladie.

La faute, aussi, au déchaînement médiatique qui ne nous laisse plus jamais tranquille. Les journaux télévisées et les chaînes d’informations en continu nous servent, à tout moment, des enquêtes et des reportages sur les horreurs de la maladie, de la souffrance, du mal-être. Difficile de ne pas le prendre pour soi.

Selon une étude conjointe de Capital Image et de l’Ifop réalisée en 2014, 13% des Français ont peur des maladies même en l’absence de tout symptôme, et 32% expriment une crainte en cas de signes qu’ils jugent inquiétants, avant même de consulter un médecin. En somme, un Français sur trois pourrait bien être, ou devenir, hypocondriaque.

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La souffrance de l’hypocondriaque

L’hypocondrie se définit comme une obsession dont l’objet est la maladie, une inquiétude injustifiée pour sa santé qui persiste malgré les discours rassurants des médecins, les résultats négatifs des bilans sanguins et des examens médicaux, et l’absence totale d’atteinte physiologique.

L’hypocondriaque a tellement peur de la maladie qu’il croit les avoir toutes. Il se scrute la langue – un peu trop blanche – et se palpe les endroits du corps soumis au doute – un ganglion un peu gonflé, une boule sous la mâchoire. Il est à la recherche d’une tumeur cachée sous les replis des intestins, d’un grossissement inexpliqué des amygdales, d’un grain de beauté qui aurait changé de couleur ou de forme.

Dans sa forme légère, l’hypocondrie n’est qu’une angoisse dénuée de symptômes : on a regardé une émission médicale ou un reportage sur une affection virale, et voilà qu’on s’imagine en développer les premiers signes. Ebola resurgit sur le continent africain ? On se voit déjà en chambre stérilisée entouré d’infirmières.

Mais dans sa forme sérieuse, l’hypocondrie est une souffrance abominable, car les symptômes existent. Certes, ils sont produits par le cerveau, qui à force d’être stimulé par la peur envoie des signaux produisant des douleurs fantômes. Mais ces douleurs sont là. L’hypocondriaque, alors, souffre vraiment. S’il est persuadé d’avoir développé un cancer, c’est parce qu’il a mal.

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Les signes qui alertent

Voici le portrait typique d’un hypocondriaque, selon cinq signes révélateurs :

  • Il a moins de 35 ans et craint d’être atteint d’une maladie grave, bien qu’aucun symptôme sérieux ne vienne l’étayer. Sa peur découle des informations glanées dans les médias. Sa relation aux médecins est extrême : d’abord, il n’y va jamais. Puis, atteint d’hypocondrie pour de bon, il y passe sa vie.
  • Il vit dans Paris ou en banlieue parisienne, car c’est le cas pour environ une personne sur cinq concernée par cette peur de la maladie. La promiscuité, la foule, les transports en commun, la fréquentation de foyers potentiels d’infection accentuent l’angoisse de la maladie.
  • Il répète souvent les mêmes phrases, à la fois drôles et effrayantes : « J’ai des fourmis dans le bras gauche, c’est une crise cardiaque » ; « Je suis pâle, à tous les coups je fais de l’anémie » ; « J’aimerais bien que le médecin m’envoie une semaine à l’hôpital pour qu’on me fasse tous les examens imaginables » ; « Le médecin me dit que je n’ai rien, mais s’il se trompe ? ».
  • Il est touché par l’un de ces symptômes tirés du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux : la peur qui persiste malgré des visites chez les médecins et des examens complets ; l’angoisse qui s’étend sur des mois, voire des années ; les symptômes physiques qui font conclure à la certitude d’être atteint d’une maladie grave, souvent incurable ; les symptômes somatiques chroniques.
  • Il devient peu à peu un tyran à la maison, car il impose ses peurs sur ses proches qui vivent un cauchemar. Ainsi que son médecin. L’effet secondaire, si l’on peut dire, c’est que l’hypocondriaque se transforme aussi en (soi-disant) expert médical, persuadé de pouvoir donner des leçons au docteur.

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Hypocondrie et repli sur soi

Du point de vue de l’hypocondriaque, le monde entier est réduit à sa maladie – ses maladies. Son corps devient un objet d’amour et de haine. D’amour, parce qu’il cherche à tout prix à le protéger des bactéries, virus et affections diverses. De haine, parce qu’il le déteste en même temps pour toutes les souffrances qu’il lui fait endurer.

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L’identité de l’hypocondriaque se réduit bientôt à son mal imaginaire. Dans une expression sublime de narcissisme, son repli sur soi – sur son propre corps – est total. Son rapport aux autres en est perturbé en profondeur. Les gens, les hommes et les femmes, les amis, les proches – tout devient flou, inconsistant, lointain.

Il y a de la paranoïa dans ce trouble, mais une paranoïa qui aurait pour origine une persécution organique. La vie quotidienne en souffre. Aller au travail ? Impossible, je souffre trop. Faire des enfants ? N’importe quoi, je vais bientôt mourir.

Une forme de dépression

L’hypocondrie est une forme de dépression : on figure ainsi l’angoisse d’un danger permanent, dénué de nom et de qualité. La peur liée à la certitude d’une vraie maladie est moins angoissante, car au moins l’on sait où l’on va, on peut donner un nom à la chose. L’hypocondriaque sévère souhaiterait être malade pour de vrai. Il voudrait que les regards des autres cessent d’être accusateurs pour devenir compatissants.

La psychanalyse explique l’hypocondrie par un manque d’estime de soi. La maladie masque un sentiment d’impuissance et d’inutilité. Elle serait fréquente à l’adolescence et à la ménopause, des périodes de profondes remises en cause de son image.

La psychothérapie, elle, fait de l’hypocondrie une souffrance due aux exigences de la vie quotidienne : stress, oppression, peur de l’autre, crainte de ne pas être à la hauteur dans la société moderne. C’est une phobie illustrée par des manifestations corporelles – ces migraines qui font croire à la présence d’une tumeur crânienne – qui découlent du stress.

Allô, e-docteur ?

Pour se rassurer, l’hypocondriaque erre de docteur en docteur, à la recherche de celui qui saura le soulager. Évidemment, il faut en passer par des examens médicaux : prise de sang, IRM, scanner, écographie, voire gastroscopie et autres intrusions de caméras dans le corps. Le médecin refuse ? Pas grave, il y en a plein d’autres. L’hypocondrie est renforcée, dans les grandes villes, par la multiplication des cabinets médicaux.

Le rôle joué par Internet n’est pas à prendre à la légère : on parle de « cybercondrie ». Un phénomène accentué par l’omniprésence des sites médicaux et des forums sur lesquels les malades peuvent évoquer leurs symptômes et lire des horreurs.

Si vous avez déjà eu l’occasion de taper un symptôme sur un moteur de recherche, vous avez pu constater que les termes « cancer » et « maladie grave » reviennent le plus souvent. Le « cybercondriaque » va donc passer son temps à vérifier, scruter, enquêter, jusqu’à devenir, de son point de vue, médecin à la place du médecin.

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Le risque, c’est de poursuivre sa voie vers l’automédication, de commander sur Internet n’importe quel traitement en fonction de ce qu’on pense avoir. Paradoxalement, le patient se sent rassuré par cela même qui nourrit son angoisse : pouvoir agir sur son mal grâce aux renseignements glanés ici et là, quand bien même ces informations le perturbent encore plus profondément.

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L’attitude des proches

Le malade imaginaire est source de moquerie et de colère après avoir été l’objet de toutes les sollicitations. C’est le schéma classique. Vous souffrez : on s’intéresse à vous, on essaie de vous calmer, de vous rassurer. Mais c’est comme l’histoire du gamin qui appelle trop souvent au loup : au 4e cancer, à la 7e méningite, les proches prennent de la distance. La compassion laisse place à l’incompréhension.

Ils vous montrent vos bilans sanguins et d’examens comme un bulletin de notes à un mauvais élève : tu vois, il n’y a rien. Rien. La phrase typique « Arrête d’y penser ! » est juste, mais elle ne peut pas être comprise, pas plus que si elle était prononcée dans une autre langue.

Au contraire, elle risque de renforcer le sentiment de culpabilité et d’accentuer le besoin d’isolement. Il faut essayer de comprendre l’hypocondriaque, l’inciter à parler de lui – c’est aussi cela dont il a besoin. De lui, de son enfance, de sa famille, de ses peurs.

Le travail psychologique ne commence que lorsque les besoins essentiels ont été pris en compte, et lorsque le malade arrive d’abord à se convaincre qu’il ne l’est peut-être pas, malade – physiquement, du moins. Le chemin à parcourir est long.

Hypocondrie, halte là !

Des solutions existent pour traiter l’hypocondrie, mais elles ne permettent que de la soulager, jamais de la soigner pour de bon. Ce mal du siècle risque de le rester, mais il peut être pris en charge, et stoppé. Parce que la maladie imaginaire, comme la vraie, ne gagnera pas.

Pour finir, citons Molière qui écrivait dans sa pièce cette phrase encore valable au XXIe siècle, et que l’hypocondriaque devait conserver précieusement dans un coin de sa tête : « Presque tous les hommes meurent de leurs remèdes, et non pas de leurs maladies ».

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