La clarification du vin, ou la chasse aux particules !
Le vin naît trouble, habité par des quantités de particules qui sédimentent lentement au fil du temps, mais pas assez rapidement pour que le précieux breuvage acquière une stabilité et une brillance suffisante en vue de sa commercialisation. Pour y remédier, on procède à une opération appelée « clarification ». Qu’on se propose avec cet article de vous… clarifier.
Cachez ce dépôt au fond de mon verre que je ne saurais voir…
A priori, la présence d’un dépôt au fond de la bouteille ou du verre est plutôt bon signe. Même si ce n’est pas très agréable, dîtes-vous que c’est positif : c’est que le vin n’a pas été trop filtré, ni trop collé. L’amateur de bio qui sommeille en vous ne peut pas y voir un vilain défaut.
Le vin a besoin d’être clarifié, car il naît avec des tares : des particules que l’on appelle les lies. S’il ne subissait pas cette opération, il serait trouble, donc moins présentable en vue de sa commercialisation – car les acheteurs préfèrent leur vin limpide. Au contraire, une clarification excessive risque d’éliminer trop de substances qui participent de la structure du vin et se révèlent bonnes pour la santé.
Vin blanc ou vin rouge, il faut donc que cette bataille contre les particules soit menée en finesse et sans abus. L’œnologue qui laisse volontiers un peu de dépôt ne devrait pas subir votre ire : c’est qu’il aime son vin et qu’il vous l’offre dans toute sa naturalité. Il paraît même que les vins non filtrés ressortent souvent favoris des dégustations à l’aveugle…
Particules particulières
Une grande diversité de particules est contenue dans le vin. Elles sont d’origines et de tailles différentes :
- Des particules issues du raison
- Des levures
- Des bactéries
- Des colloïdes
- Des molécules
- Des ions
Sachez-le : les dépôts formés par ces particules ne sont jamais nocifs. Ils font partie intégrante du vin et n’occasionnent aucun risque pour la santé.
Par ailleurs, une non-filtration ou une filtration légère ne sont pas les seules raisons pour lesquelles on peut tomber sur un dépôt. Les vieux vins rouges, qui ont passé plus d’une quinzaine d’années en cave, peuvent commencer à perdre en intensité. Ces dépôts sont constitués de résidus de tanin, et réclament de manipuler la bouteille avec délicatesse pour ne pas mélanger davantage.
Les méthodes de clarification du vin
L’emploi de la clarification ne débarrasse pas seulement le vin d’une grande partie de ses particules : il permet également de le stabiliser par collage. Un vin instable (non-collé), même s’il est limpide, peut spontanément se troubler à nouveau, le plus souvent parce qu’il est confronté à des facteurs naturels – air, lumière, froid, chaud.
Il existe plusieurs méthodes de clarification du vin :
- Les soutirages successifs : pendant que le vin se repose en cuve ou en barrique, les particules en suspension sont attirées naturellement vers le fond. On transfère alors le vin dans une nouvelle cuve/barrique, stérilisée et bien propre, pour recommencer l’opération, tandis que les dépôts restent dans le logement précédent. Toutefois, cette méthode ne peut pas clarifier et stabiliser parfaitement un vin.
- Le collage : il clarifie et stabilise bien le produit, empêchant l’apparition de dépôts futurs. Le collage consiste à introduire dans le vin, avant la mise en bouteille, une matière colloïdale qui va coaguler puis précipiter les particules et les protéines naturelles au fond de la cuve. Là encore, plusieurs sous-méthodes surnagent selon la substance utilisée :
- Du blanc d’œuf
- De l’albumine de poisson
- Du sang frais
- De la gélatine
- De la caséine
- De la bentonite
- La méthode du tanissage
- La filtration : après ou à la place du collage, le vin peut être filtré à travers des plaques de diverses épaisseurs (tissu ou cellulose). Cette méthode ne nuit pas au vin, et elle peut être appliquée avant la mise en fût.
- L’enzymage : les enzymes, injectées dans la cuve, permettent d’obtenir des jus clairs et une sédimentation plus rapide. Elles facilitent aussi le collage et la filtration.
- La centrifugation : cette méthode consiste à séparer le vin et les particules, qui sont de densité différente, par la force centrifuge.
Choisir la bonne méthode et la bonne filtration réclame pas mal de doigté, et les techniques divergent selon les préférences des œnologues.
La mode des vins non filtrés
Toutefois, certains vins participent de la mode de la non-filtration et se passent d’une clarification excessive. Ils assument complètement leur trouble originel. Ces vins, à l’image du Neuchâtel AOC, sont à boire très jeunes.
On voit désormais de plus en plus de bouteilles afficher une étiquette indiquant que le vin n’a été « ni collé, ni filtré ». Cette mention, on l’aura compris, est plutôt un signe qualitatif pour des vins qui gagnent en qualités gustatives et en textures.
Mais attention : certains de ces breuvages, d’une limpidité remarquable, profitent pleinement de cette tendance et jouent la carte de la supercherie. Toutes les modes ont leurs effets pervers, alors ne vous laissez pas berner ! Et ne faites pas la grimace si un léger dépôt apparaît au fond de votre verre : c’est bon pour l’organisme !